Conte japonais #15 – Le renard blanc

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Il y avait une fois, dans une lointaine province du Japon, un célèbre archer qui s’appelait Yazaemon.

L’homme était calme et agile et son talent si grand que le Seigneur de ces terres l’avait nommé Maître de la Chasse.

Un jour d’Automne, alors que Yazaemon et le Seigneur chevauchaient le long des rizières dorées, un renard blanc surgit des buissons.

C’était un animal magnifique, souple et gracieux, avec de beaux yeux d’ambre et un pelage aussi pale qu’un clair de lune.

Le Seigneur était tout excité :

– Quelle bête magnifique ! Elle sera mienne ! Attrapons la, Yazaemon !

Et la chasse commença. Ils poursuivirent le renard à travers toute la vallée et dans les bois. Mais l’animal refusait de s’avouer vaincu, disparaissant toujours au dernier moment dans les fourrées.

Finalement, l’archer, silencieux comme une ombre, accula le pauvre renard dans un roncier.

Yazaemon encocha une flèche.

La bête était toute essoufflée. La course avait taché sa robe blanche de boue et le sang perlait là où les épines avaient déchiré sa peau.

Le chasseur pris une inspiration et banda son arc. Soudain, quelque chose bougea derrière le renard.

Une petite boule de poil émergea des ronces, bientôt suivie d’une seconde.

– Tu as des petits…

La renarde l’implorait du regard, de grosses larmes dans ses yeux d’or.

Yazaemon relâcha son arc en soupirant :

– File, mais dépêche toi. Je vais entraîner les Seigneur loin de ta famille.

Il n’avait pas fini sa phrase que déjà la renarde et ses renardeaux s’étaient envolés.

De retour au château, le Seigneur n’en pouvait plus de fulminer :

– Tu n’as jamais râté ta cible, jamais ! Et pourtant, voilà que tu laisses échapper le plus précieux animal qu’il m’ait été donné de voir !

L’homme vida d’un trait sa coupe de saké :

– Je n’ai nul besoin d’un incapable comme toi ! Hors de ma vue !

On arracha à Yazaemon tous ses vêtements de soie fine et les gardes lui prirent son arc avant de le mettre à la porte.

Dehors, il faisait nuit noire. Tremblant dans son kimono en loques et sans un sou en poche, l’archer trouva refuge sous un cèdre immense.

– Tu nous as épargné.

Surpris, Yazaemon bondit sur ses pieds. Devant lui, se tenait un femme sublime, pâle comme la lune. Deux jeunes enfants se cachaient dans les plis de sa robe.

– Va en ville. Je te promets que j’y récompenserai ta bonté.

Et, avant que l’homme ait pu émettre un son, la renarde avait à nouveau disparu dans la nuit.

Quand il se réveilla, Yazaemon ne put en croire ses yeux. Face à lui, s’étendait la ville la plus immense qu’il ait jamais vu. Il avait traversé presque tout le pays en une seule nuit.

Un an durant, il travailla dur comme garçon de course. Pourtant, la renarde ne se montrait toujours pas.

Puis, un jour, la peste frappa la ville. Les médecins se trouvaient impuissants face à ce mal nouveau. Et Yazaemon lui ne savait quoi faire pour aider ses voisins et amis qui se mouraient de ce mal mystérieux.

Une nuit enfin, le femme pâle lui apparut en rêve :

– Le moment est venu. Comme symbole de ma gratitude, je t’offre cette amulette. C’est un charme puissant qui t’aidera à guérir les malades. Laisse moi te montrer…

La voix de la renarde ne fut plus qu’un murmure. Quand il se réveilla, Yazaemon trouva dans sa main un ofuda d’une blancheur de perle et couvert d’étranges symboles. Et il savait exactement quoi en faire.

L’ancien archer enferma la précieuse amulette dans une boîte en bois. Puis, il se rendit au chevet de ses voisins, puis des voisins de ses voisins et ainsi de suite.

Dès qu’un malade touchait la boîte merveilleuse, ils se trouvaient miraculeusement guéris.

La rumeur des pouvoirs ce charme extraordinaire se répandit rapidement. Et les patients reconnaissants ne cessaient plus de porter à Yazaemon de généreuses offrandes.

– Il ne faut pas, je vous en prie… C’est beaucoup trop…

Très vite, Yazaemon se trouva riche. Il décida de construire un sanctuaire, pour que chaque malade, homme ou femme, riche ou pauvre, puisse venir y être soigné.

Et partout, les malades y étaient entourés de statues d’un renard blanc accompagné de deux renardeaux.


Notes:

Les renards blancs sont de bon augure au Japon. On les trouve très souvent dans les sanctuaires shinto dédiés à Inari, dont ils sont les messagers et les serviteurs. Cette association est peut être due aux capacités de chasseurs de souris des renards, qui en font d’excellents alliés pour garder le riz ! (si vous faites attention, les statues de renard d’Inari portent souvent une clef de grenier dans leurs gueules)

Certaines traditions considèrent les renards blancs comme femelles et les renards noirs comme mâles. Ce n’est cependant pas une règle fixe. Les renards noirs sont parfois simplement des nogitsune (des renards malins ne servant pas Inari). On dit également que les renards noirs peuvent devenir blancs avec l’âge, notamment une fois qu’ils ont gagné leur neuvième queue.

Les ofuda sont des talismans shinto et se présentent la plupart du temps comme des bandes de papier sur lesquelles sont inscrits des prières de protection. Ils servent à éloigner le mal, comme les blessures ou les maladies. On peut les trouver attacher dans les temples mais aussi dans les maisons ou sur des objets. Une forme populaire d’ofuda est l’omamori, un petit sac de tissu qui contient un mini ofuda.

Le choix d’un archer pour héro n’est pas dû au hasard. De nombreuses superstitions entourent les arcs et les flèches au Japon. Ainsi, on peut de nos jours encore acheter des hamaya (ou flèches sacrées qui symbolise l’arc sacré Hama Yumi) que l’on utilise pour repousser le mauvais sort lors de cérémonies du Nouvel An.

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