Pas de conte aujourd’hui mais un gros pavé une double chronique un peu spéciale. Je vous préviens : je vais spoiler comme une sauvage et surtout… beaucoup, beaucoup râler 😉
![]() Suzume est une tisseuse-d’ombre. Elle collectionne les identités – quitte à se perdre elle même. Est-elle la noble héritière d’une lignée tombée sous le joug du Seigneur Terayama ? Une simple domestique dormant dans les cendres des cuisines ? Ou est-elle Yue, la plus belle courtisane du pays ? Derrière ses voiles, Suzume est bien décidée à capturer le coeur du prince et à user de son pouvoir pour se venger de Terayama. Et rien ne l’arrêtera – pas même l’amour. |
![]() Asha est une tueuse de dragons. Honnie par le peuple qu’elle protège, elle chasse pour se repentir du terrible crime qu’elle a commis enfant : raconter des histoires. Car dans son monde, les contes appellent les dragons – et les cataclysmes qui les accompagnent toujours. Et la cité d’Asha a failli être réduite en cendres à cause de sa négligence. Alors que son mariage, pure alliance politique, approche, Asha rêve d’être libre. Sa porte de sortie ? Un marché avec son père : rapporter la tête du plus puissant dragon de Firgaard. |
L’avis du Tanuki :
un gros
pour les univers
… mais
pour leurs héroïnes
Ces livres font partie du challenge Coupe des 4 Maisons.
Objets Eckeltricité : un livre numérique
et Brasier obscur : un livre à la couverture en noir et blanc
Je ne pense pas être une lectrice particulièrement difficile à satisfaire. Je lis de tout, du YA franchement facile aux grandes fresques bien prise de tête. Je sais reconnaître quand un livre vise un lectorat autre que moi. Et passer outre les maladresses de plumes trop jeunes, et les petites facilités scénaristiques vues et revues.
Mais s’il y a une chose qui m’insupporte au plus au point, c’est quand l’auteur passe complétement à côté de son personnage principal – et donc de son propos de fond. Et manque de bol, j’ai enchaîné le mois dernier deux romans qui partageaient cette terrrrrrible tare !
Mais, commençons par le commencement : est-ce que Shadows on the moon et The last Namsara sont de très mauvais romans ? Non !
L’écriture est fluide, les univers cohérents et bien construits. Japon fantastique mais très bien documenté d’un côté, ou société arabisante en guerre au lore riche et intrigant (des dragons qui se nourrissent d’histoires !). Clairement, question univers, de nombreux fantasy « adultes » n’atteignent pas le niveau de ces deux romans YA.
Cependant, les choses se gâtent franchement quand on commence à s’intéresser à nos deux héroïnes.
(drama incoming in 3-2-1…)
Disclaimer : je suis féministe ET nerd, et je ne peux qu’applaudir la volonté actuelle qu’ont SF et Fantasy d’augmenter la visibilité des récits au féminin. Après de longues années à lire des romans (ou jouer à des jeux) qui ne glorifiaient que des hommes ou presque, c’est réellement libérateur ! (#RepresentationMatters)
Mais, si tenter de se détacher du cliché « demoiselle en détresse » est une bonne chose, force est de constater que le faire correctement et bien plus compliqué qu’il n’y parait. Exemple type : la mode des « héroïnes fortes et indépendantes »… qui se retrouvent en fait simples spectatrices de leur propre destinées. Voyez plutôt :
- Les péripéties de Suzume (et, plus grave, leurs résolutions) sont toujours le fait de quelqu’un d’autre. Fuite, apprentissage, à chaque fois un personnage apparait pour la sauver/ la mettre sur la voie. Une fois ça passe, mais sérieusement : à chaque rebondissement ?
- Asha est un peu plus dégourdie mais ne vole pas bien haut quand même. C’est une guerrière dure et aguerrie. Enfin, sauf quand elle se retrouve aux prises avec un harceleur immonde. Car là, pouf! y’a plus personne : ni elle (sidération etc pourquoi pas), ni même les gens qui tiennent à elle (passer outre le drama facile ? Faudrait pas déconner non plus !)
Les limites de ces caractérisations bancales sont particulièrement révélatrices quand on se rend compte qu’en fait, les décisions des héroïnes ne nous importent que peu car quoi qu’elles fassent a) on s’en fiche b) ça ne changera pas le cours de l’histoire :
- Suzume mène un petit vendetta personnelle dont tout le monde se contrefout et qui surtout se révélera peu ou prou infondée. Y’a pas, les tensions dramatiques basées sur des quiproquo solvables façon « mais pose lui juste la question bordel » sont à manier avec précautions !
- Asha tombe par hasard dans la résistance (non vraiment, y’a une porte avec de la lumière et elle rentre quoi). Tous les gens qu’elle aime y sont et personne n’a pas jugé bon de la mettre dans le secret. Dommage, leur révolte est quand même un peu LE sujet du bouquin.
(les péripéties mal branlées vs ma réaction)
Plus grave encore, j’ai terminé ces deux romans avec la forte impression que les auteures… s’étaient trompé de héros ! Car, dans les deux cas, ce sont les personnages secondaires qui étaient les plus moteurs et donc piquaient les plus l’intérêt. Exemples choisis :
- Akira, danseuse-maraine-la-bonne-fée. Un personnage attachant, mystérieux, multi-facettes, bref, c’est sur elle que je voulais un livre pas Suzume !
- Torwin, l’esclave-love-interest. Il est gentil, parfait et un peu chiant. Et puis d’un coup, ça sort de nulle part, il apprivoise un dragon. C’est même lui qui en chevauche un en premier. WTF ? Attendez, mais c’est sur lui qu’il fallait faire le livre !
(quand la protagoniste ne sert à rien)
Bref.
Je râle, je râle mais encore une fois Shadows on the moon et The last Namsara ne sont pas des mauvais livres per se. La preuve : je suis même allée jusqu’au bout. Et soyons honnêtes deux minutes, les défauts que je souligne se retrouve dans beaucoup, beaucoup d’autres romans – que les héros soient femmes ou hommes (suivez mon regard).
Cependant, tous deux sont de parfaits exemples de choses qui m’exaspèrent. Je l’ai dit, les bonnes héroïnes ça ne court pas les champs en littérature fantastique, la faute probablement à une production encore somme toute encore jeune de ce côté là.
Mais est-ce une raison pour se taper les mêmes facilités et clichés éculés ?
Marketter des « héroïnes fortes » et se retrouver avec des personnages qui ne font presque pas preuve de libre arbitre, ont des évolutions proches du zéro absolu et surtout restent somme toute terriblement passives face à leurs propres vies… Il y a quand même quelque chose qui cloche non ?
En tout cas, quand je referme un livre en ayant envie de sortir mon bic rouge de beta-lectrice pour faire des coupes, souligner les incohérences et envoyer le tout à l’auteure pour révision… je pense que oui xD
Non mais plus sérieusement : ces romans auraient pu être tellement, tellement meilleurs.
C’est affreusement frustrant…
(Tanuki, out. A vous les studios !)
Shadows on the moon, de Zoe Marriott – éditions Walker – 465 pages – ISBN 9781406367577
The last Namsara, de Kristen Ciccarelli – éditions Gollancz – 432 pages – ISBN 9781473222854
Haha je comprends ta frustration, mais en tout cas j’ai adoré te lire 🙂 ça m’a fait le même effet dans le premier tome d’Arkane dernièrement, la nana qui se veut forte et indépendante et qui sert à rien haha c’est quand même mal foutu…
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C’est vraiment une plaie ces caractérisations. Le pire c’est qu’une fois que tu l’as remarqué c’est mort ça se voit comme le nez au milieu de la figure.
Je connais pas trop Bordage, ça donne quoi les perso féminins chez lui d’habitude ?
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Aucune idée, cétait le premier que je lisais ! Mais notre lutin national en a lu d’autres et des mieux, si je ne dis pas de bêtise ^^
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Il y en a un peu trop en fantasy surtout YA des persos féminins de ce genre….
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Le truc qui me chiffonne c’est qu’il y en a beaucoup tout court !
Je crois que ça se voit plus en YA car c’est un genre surtout écrit par des femmes et mettant en scène des perso féminins….
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Non, cela ne le fait pas. Un bon univers ne compense pas des personnages un peu trop moyens. Il me faut un univers splendide dans ce cas – ou inversement.
Merci! 😉
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Même chose chez moi. Les perso cartons pâte bon c’est pénible mais si l’univers m’emballe vraiment, ok j’adhère vu que mon imagination prend le relais.
Un exemple parfait côté cinéma => Star Wars 😉
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Dommage pour les héroïnes parce que les résumés étaient bien tentants (et les couvertures superbes). Bon, je ne connaissais pas avant mais du coup, je vais passer mon tour!
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Je pense que Zoe Marriott reste intéressante ^^
Le travail sur Shadows on the Moon est très bon (l’univers japonisant est très bien maitrisé). Elle a écrit d’autre relecture de contes, je vais aller voir ça de plus près pour voir si l’héroïne se tient ou pas 🙂
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Les deux livres étaient dans ma wish-list et je pense tout de même les lire, mais je comprends tout à fait ta frustration d’autant que l’univers des deux histoires t’a séduit. Maintenant, je reste à l’affût de tes chroniques étant certaine que tu finiras par trouver un roman où l’auteur exploite vraiment sa protagoniste en faisant d’elle la propre héroïne de sa destinée 🙂
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Comme je disais à La tête dans les livres, je te conseillerais plus Shadows on the Moon que je trouve plus qualitatif (attention par contre car l’héroïne s’automutile et personnellement le traitement du sujet m’a mis franchement mal à l’aise :S).
Et merci pour ton gentil voeu : le tanuki continue la chasse 😉
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Je dois avouer que l’automutilation risque de me perturber. Est-ce que les veines sont évoquées ? Si oui, je vais passer mon tour sous peine de faire un malaise #PhobieBizarre
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ce n’est pas décrit dans le détail 🙂 (mais j’ai trouvé ça quand même bizarrement amené et mené)
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Je ne lis que très rarement de littérature YA (mais je viens de craquer pour les sœurs carmines après avoir vu la vidéo de Lemon June). Je ne lis pas de YA justement pour les traits que tu dénonces
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Comme je disais plus haut, je crois que le YA se traîne cette réputation un peu à tord car se sont des clichés que j’ai retrouvé dans beaucoup d’autres romans adultes – y compris d’auteurs ‘sérieux’ et reconnus.
Mais comme le YA est un genre qui met énormément en scène des perso principaux féminins, statistiquement ça se voit plus ^^
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Rebranche ton oreillette :
– « Tanuki ? Ici les studios (moi, mégalo ?)… Yesssss !!! Elle est dans la boite !!! Waouh !!! Tu as assuré grave !!! C’est de la bombe ta chronique !!! Et tu vas faire péter l’audimat !!! »
Retire ton oreillette, c’est le délire ici… 😉
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… roh arrête ça me rappelle quand je travaillais comme stagiaire pour une émission de télé (bon, la foule en délire en moins xD)
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Si ça c’est pas de l’intuition, je ne sais pas ce que c’est 😀
Plus sérieusement, c’est indiscret de te demander pour quelle émission ?
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C à vous pour France 5 🙂
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Ok ! J’espère que tu en gardes un bon souvenir 😉
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Oh la la! Comme je te comprends! Rien de ne insupportable dans un roman qu’une héroïne dénuée d’intérêt, même si l’univers est cool!
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la frustration ultime pour moi !
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JE LA SENTAIS TROP LA REFERENCE A DRUIDE mdr (je sais pas pourquoi je parle en majuscules)
J’ai ressenti pareil à la sortie de The last namsara, on nous vend du badass mais au final l’héroïne elle casse pas trop ailes à un dragon. Ralalalalalalalala.
Bref je trouve ton analyse intéressante et hyper pertinente ! High five !
Bises
Kin
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C’EST NOTRE FRUSTRATION QUI PARLE lol
(et Druide, il fallait que je le place, ne serait-ce que pour bien montrer que non ce n’est pas qu’un cliché young adult ^^)
*High five à vous les filles*
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Je n’ai lu aucun de ces deux livres mais je retrouve ton ressenti dans d’autres livres que j’ai pu lire. Certains auteurs ont du mal à défendre leurs propos, certaines héroïques restant maîtres de leur destin uniquement en théorie. C’est dommage, et ça serait plaisant de rencontrer des personnages féminins réellement indépendants et débrouillards un peu plus souvent.
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Oui se sont des maladresses qu’on retrouve assez souvent, c’est tellement dommage !
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Bravo pour ce billet, je suis d’accord avec toi à 100%… D’ailleurs j’ai développé une certaine allergie préventive en matière d’héroïnes fortes et assurées dans les romans bit-lit…
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